Agnès Jennepin à la Galerie Depardieu, le 15 juillet 2020 | Photo © Serendipity Studio pour artWorks!
Agnès Jennepin, “Les effrontées”, jusqu’au 1 août 2020 à la Galerie Depardieu, Nice
Elles s’appellent Charlotte, Marguerite, Françoise ou Coco. Elles faillirent se fondre dans le décor*, s’effacer d’une histoire culturelle commodément dominée par les hommes. Un effacement volontaire, progressif et inexorable mais néanmoins réversible par la force de la volonté… La preuve, images à l’appui, à la Galerie Depardieu, Nice, jusqu’au 1 août 2020.
Par un prodigieux tour de force plastique, Agnès Jennepin, artiste et femme de science, déterre la mémoire d’un parterre de femmes d’exception — scientifiques, artistes, juristes, écrivaines, sportives… — ensevelies au fin fond d’une archéologie sélective. Elle emploie précisément un processus d’effacement pour faire voir la présence de ses affranchies. Un geste fort et symbolique qui vient nourrir le programme iconographique. Effacer pour faire surgir celles qui risquaient de gésir sous les suies de l’oubli, telle une sculptrice qui taille à même la matière pour en faire émerger les figures emprisonnées…
De modestes icônes, mais icônes tout de même, certaines ont le regard empathique et d’autres des yeux perçants d’un admirable éclat.
Ce sont des « Effrontées ». Agnès Jennepin les fait apparaître sur ses supports papier, recouverts au préalable de couleur de suie. Elle imprègne d’abord sa surface peinte d’encre de chine d’un gris vénéneux, organique, mat, comme l’âme noire des vandales d’icônes. Elle applique ensuite un procédé élaboré à base d’eau de javel, un produit choisi non par hasard, pour faire monter à la surface ces femmes discrètes englouties dans d’épaisses couches de négligence, des siècles d’iconoclasme méthodique et programmé. L’eau de javel, ce « compagnon » des femmes au foyer, efface petit à petit la noirceur de l’oubli pour faire réapparaître comme par miracle des visages. On songe au saint suaire… Le noir s’efface progressivement pour faire place au blanc qui se célèbre en mille nuances. La remémoration. La reconnaissance. Enfin.
Des femmes tutélaires qui occupent le panthéon personnel de la plasticienne sortent ainsi des limbes. Non sanctifiées, encore moins « starifiées », ce sont des femmes ordinaires ayant accompli l’extraordinaire mais n’ayant jamais eu la juste reconnaissance pour leurs accomplissements qui ont aussi façonné notre Histoire…
Le noir s’efface progressivement pour faire place au blanc qui se célèbre en mille nuances. La remémoration. La reconnaissance. Enfin.
De modestes icônes, mais icônes tout de même, certaines ont le regard empathique et d’autres des yeux perçants d’un admirable éclat. Comme une invitation à sonder encore plus loin, encore plus en profondeur, les traces reconstituées des âmes, sauvées in extremis de l’oubli. Certaines d’entre elles vous dévisagent d’un œil presque défiant, comme cette figure fictive, la seule de ce genre. La mèche de cheveux sur le front, la bouche entrouverte au souffle coupé, la jeune femme déterminée incarnant la lutte pacifique, à la fois sainte patronne et femme soldat habillée en tenue camouflage, est une allégorie synthétisant le libre arbitre de toutes ces femmes puissantes. Une exposition nécessaire doublée d’une réelle inventivité plastique.
*série de portraits réalisée en 2020 par Agnès Jennepin
Du 20 juillet au 2 août 2020, Agnès Jennepin est aussi à l’affiche de la Galerie des Dominicains, Nice
« Les effrontées » à la Galerie Depardieu
6 rue du docteur Jacques Guidoni
06000 Nice – France
Horaire : Du lundi au samedi de 14h30 à 18h30 Entrée libre
« Piles et Face » à la Galerie des Dominicains
9 rue Saint François de Paul
06300 Nice – France
Horaire : Tous les jours de 10h00 à 13h00 et de 15h00 à 21h00 – Entrée libre
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