Du 14 octobre au 13 novembre 2021 à la Galerie Depardieu, Nice
Serge Maccaferri vient de loin. Il fait partie de ces artistes qui à la fin des années soixante ne se satisfont plus des espaces préconçus (les formats codés de toile tendue sur châssis) pour envisager la peinture. C’est que le monde a bien changé et les rapports (matériels et imaginaires) que l’on entretient aux espaces physiques et au temps ont été, consciemment ou inconsciemment, perturbés par ses changements. Alors, avant toute action picturale, on nie et défait ces espaces préconçus, devenus obstacle plutôt que promesse, et les matériaux qui le constituaient s’offrent en des allures inédites qui engagent l’acte de peindre et l’objet peinture lui-même de façons aussi inédites.
Serge Maccaferri a entrepris la peinture, littéralement, par la bande. Cette forme sera récurrente dans son travail jusqu’à aujourd’hui (les lattes en bois). En 1969, il les terminait par des flèches incitant le regard à franchir les limites.
Il était peintre en bâtiment. De là, il tire la plupart de ses modèles, ses « paysages quotidiens » (outils et techniques), pour les transmuter et sublimer dans ce que l’on nomme les espaces symboliques de l’art où ils perdent leur nature première et leur fonction pour en acquérir d’autres.
Serge Maccaferri, depuis, pousse ou tire – sans doute les deux à la fois – la cohérence de son travail de ce saut de la surface supposée plane où se produit un travail d’une profondeur illusoire, dans la profondeur concrète des matériaux et des espaces physiques qu’elle nécessite. Oui, il s’agit alors de masses, de volumes, d’étendues, de liquidités, de solidités, de gains et de pertes (je me réfère aux travaux où il brûle une partie de troncs ou branches, en recueille les cendres qu’il mélange à l’huile de lin et au siccatif et qu’il dépose sur des papiers couverts d’une fine grille (moustiquaire) ou une toile libre.) en des procédures qui mettent en action la découpe, le pliage, la torsion, l’agglomération, le ponçage, le grattage, le brûlage, l’assemblage, l’accumulation de strates, le coulage de pâtes… On pense alors au remue-ménage que produisent les volcans avec les matières à leurs dispositions.
Crédit photo © 2022 Janaka Samarakoon | artWorks! Productions
C’est que Serge Maccaferri a passé sa vie professionnelle rémunératrice à se confronter au bâti. Il était peintre en bâtiment. De là, il tire la plupart de ses modèles, ses « paysages quotidiens » (outils et techniques), pour les transmuter et sublimer dans ce que l’on nomme les espaces symboliques de l’art où ils perdent leur nature première et leur fonction pour en acquérir d’autres. Ils les perdent…mais ne les oublient pas ; leur mémoire, pour un œil averti, est apparente.
Pour cette exposition, Serge Maccaferri propose un travail où s’opposent formes préconçues et formes aléatoires. Il met en place des trames diverses de grilles (formes préconçues) sur lesquelles il déverse du plâtre préalablement coloré (formes aléatoires). Ce plâtre a les mêmes comportements que la peinture : passage du liquide onctueux à la solidité. Ce plâtre/peinture a une double fonction : ornementale par ses couleurs et ses formes courbes et d’objet de maintien par l’étroite liaison qu’il entretient avec les grilles ; car le plâtre passe à travers les grilles et, lorsqu’il rencontre le support solide recouvert d’une feuille plastique, il déborde derrière les grilles, les enserrant comme un étau.
Notons que ce travail, contrairement aux pratiques courantes, se fait en aveugle car la face qui sera montrée est hors du regard de l’acteur et que le support permettant ce travail, disparaît lors de l’accrochage aux regards, non sans avoir laissé quelques indices de sa présence passée (cela rappelle des pratiques plus classiques comme la gravure ou la céramique)
Ce travail porte la mémoire du tableau classique *: le bois des châssis, l’orthogonalité des angles et jusqu’à la souplesse (la toile) révélée par des plis, ici, ceux d’une feuille en plastique. Il porte aussi la mémoire des plâtriers et des anciens plafonds dont le plâtre était déposé/poussé sur des lattes de bois préalablement fixées.
De toutes ces mémoires se constitue un objet où se greffent les nôtres propres. Un objet qui s’offre à toutes les mises en rapport possibles et toutes les imaginations qu’elles permettent. Il va sans dire que l’induction du moteur à émotions, nous appelle à traverser les grilles.
* Outre l’objet tableau, il poursuit ce qui fut inauguré par Braque et Picasso (l’utilisation d’objets du quotidien comme éléments plastiques constitutifs de l’œuvre) et amplement développé par Kurt Schwitters et l’art du vingtième siècle. Et lorsque je dis que le support a disparu c’est que les objets plastiques qui y sont constitués et déposés n’ont plus besoin de lui pour tenir et exister, ils s’en affranchissent.
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© Septembre 2021, Miguel Martin | Courtesy Galerie Depardieu
Galerie Depardieu
6 rue du docteur Jacques Guidoni
06000 Nice – France
Horaire : Du lundi au samedi de 14h30 à 18h30 Entrée libre
La Galerie Depardieu dans nos archives…
« Ombres d’hommes » ou l’art pour s’imposer au monde… Carte blanche à Muriel Mayette-Holtz
Peindre pour ne pas se laisser effacer, pour s’imposer au monde quand on en est empêché, voilà ce qui semble être le programme pictural des deux artistes, Najah Albukai et d’Alireza Shojaian, actuellement à l’affiche de la Galerie Depardieu, Nice.
Muriel Mayette-Holtz et Christian Depardieu présentent « Ombres d’hommes »
Exposition Najah Alboukai et Alireza Shojaian « Ombres d’hommes » –
du 4 mars au 3 avril à la Galerie Depardieu, Nice
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