Électron libre qui survole la Côte d’Azur avec l’entrain digne d’un héros à la Chagall, Paulin Nikolli s’invente, entre satire et humour corrosif, un monde tout en couleurs, bien à lui. Ce plasticien « de la rue » ne jure que par sa liberté artistique sans attache et par l’aplomb qu’elle lui autorise. Vacillant entre la Figuration libre et le Street-art, son langage pictural iconoclaste est un pied de nez au bon goût convenu alors que son esprit tacle le néo-puritanisme ambiant.
© 2020 Serendipity Studio pour artworks!
« Sans liberté ? Tu es mort ! ». Ainsi se résume en un aphorisme, parmi bien d’autres aussi concis qu’incisifs qu’il vous prodiguera, l’esprit libertaire d’un artiste qui se dit d’« être de la rue ». La rue rime pour lui, avec la liberté. Dans la rue, plane au-dessus de sa tête pour seule limite, celle du ciel.
Par moments, on se demande si lui-même ne serait pas tombé du ciel, tel un Mr. Bean prétendument catapulté sur Terre par on-ne-sait-qui. Ce n’est, d’ailleurs, pas le seul point commun que notre ovni venu de l’Albanie partage avec le personnage créé par Rowan Atkinson. Une même envie de transgression pour affirmer son impertinence. Une même désinvolture vis-à-vis des conventions pour mieux résister à l’ hégémonie bien-pensante. En somme, comme l’illustre personnage comique, un « enfant dans le corps d’un adulte », qui bataille pour le rester.
De l’enfance, il a surtout préservé la spontanéité. Il dit d’ailleurs vouloir dessiner « comme un enfant », car les enfants auraient, ajoute-t-il, un coeur à la place des yeux. C’est avec un naturel confondant qu’il partage, tous les mercredis, son atelier avec son fils de 6 ans. Le père insuffle la technique au fils alors que ce dernier rappelle à l’adulte le laisser-aller du geste, l’arbitraire de la couleur, la liberté artistique absolue en somme. Les couleurs franches, les traits grossiers et les expressions surjouées sont les points communs que le père et le fils partagent dans une fraternité attendrissante.
Paulin Nikolli se réclame aussi du carnaval, cette autre institution où règne la transgression, adoptée comme manière d’aborder le monde, et qui, à coups d’aphorismes visuels, déconstruit les mythes.
C’est au nom de la liberté, « pour ne pas mourir artistiquement », qu’il fuit son Albanie natale à 27 ans. Le pays est alors proie à la folie d’un homme. Pour se sauver du régime d’Enver Hoxha et de toutes ses horreurs, il prend le large dans une barque de fortune. « Comme un Syrien d’aujourd’hui », se souvient-il. Il accoste sur les côtes grecques et traverse les Alpes pour atteindre Paris où il élit domicile.
Paulin Nikolli se réclame aussi du carnaval, cette autre institution où règne la transgression, adoptée comme manière d’aborder le monde, et qui, à coups d’aphorismes visuels, déconstruit les mythes.
Après quelques années de Bohème et de galère, il quitte la capitale française car « il y fait froid ». Autant passer l’exil sous le soleil… C’est ainsi qu’il choisit la Côte d’azur comme terre d’asile et le soleil pour patrie. Le voilà, depuis lors, sous le charme de cette lumière azuréenne, sous l’éclat de laquelle il se déclare chantre d’une certaine joie de vivre à la méditerranéenne. Sous cette lumière franche, les couleurs s’aplatissent, les contours s’épaississent. Telles de vagues de bonheur, le bleu méditerranéen y inonde.
On pense alors aux géants de l’art du XXè siècle qui l’ont précédé sur cette même terre et lancés dans cette même quête. Mais lui se réclame indépendant de toute école, si non celle de la rue car, précisément, elle fait éclater toute appartenance, démolit toute chapelle. Tout y est permis et tout le monde y est admis.
Dans un moment de faiblesse, il avouera admirer par dessus tout l’oeuvre de Chagall. Si filiation il y a avec le maître russe, exilé lui aussi, elle est plus dans l’esprit que dans sa matérialisation picturale. Cette légèreté avec laquelle Paulin Nikolli aborde la vie en général et l’art en particulier fait en effet de lui un héros fantasque à la Chagall, planant au-dessus des débris d’un monde en décomposition, et sans se salir… Vu d’en haut, ce chaos est presque beau.
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