L’objet si convoité de cette exposition à quatre mains est, aussi intriguant que cela puisse paraître, la canette de soda, et de surcroît, vidée de son contenu. Autant dire vidée de sa raison d’être. Une canette négligée par son utilisateur premier, ballotée par les accidents et finalement jetée sur la voie publique ou dans une déchèterie, scorie du capitalisme qui l’a engendrée.
C’est la vie, la mort et les réincarnations de la canette de soda, malmenée par sa condition d’objet à usage unique et cela fascine ces deux messieurs, l’un venant du monde du cinéma et de la photographie et l’autre des arts plastiques. Deux artistes qui n’ont, a priori, pas grand-chose en commun, sinon cette même passion de voir dans cet objet emblématique du consumérisme, produit et reproduit par milliards à travers le monde, le motif d’une beauté singulière, voire le symbole d’une condition bien humaine !
Le raccourci le plus immédiat aurait été d’assimiler la canette à une critique de la surconsommation, de la mauvaise gestion de nos ressources et de nos déchets ou à bien d’autres maux caractéristiques de nos sociétés de consommation « eco-irresponsables ». Or, ce rapprochement, somme toute assez aisé, assez évident et déjà entrepris par d’autres artistes depuis, au moins, l’éclosion du Pop’art, n’intéresse guère Jacques Renoir ou Robert Roux qui, eux, d’une façon assez singulière, demeurent sensibles à la beauté intrinsèque de l’objet ; celle que sa vie « d’après » lui a procurée. C’est l’entropie « séréndipiteuse » de la vie d’une canette, comme pourrait clamer Robert Roux au sujet de ce thème.
Dès lors, l’un chasse les images où l’on voit l’objet accumulé par centaines, voire milliers, et / ou compressé (on pense forcément au Nouveau réalisme : aux accumulations d’Arman, aux tableaux-pièges de Spoerri, aux compressions de César…) et met en évidence, par la magie de la photo, le graphisme qui s’en dégage. Celui-ci vire parfois jusqu’à l’abstraction. Et l’autre de disséquer, façon enquêteur sentimental teinté d’un romantisme désabusé, le déclassement d’une canette éjectée de son rayon de supermarché, échouée sur la voie publique avec les tous stigmates de ce parcours. Ceux là mêmes qui la rendent « unique et belle ». Fin de citation. Elle est de l’intéressé.
Les évocations philosophiques, métaphysiques, voire psychanalytiques (voir l’interview) ne sont pas loin ; mais, avant tout, les deux artistes voient dans cet objet standardisé une beauté cachée, idiosyncrasique et, osons le mot, une esthétique. Cette humilité artistique, qui devient une audace, vaut la peine d’être soulignée.
Atelier Jacques Renoir
5 rue Fodéré
06300 Nice
15 novembre – 15 décembre 2023
Horaire : 11h00-19h00
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