A quand du cinéma d’auteur à Nice Est ?
Le cinéma Megaram Nice © Janaka Samarakoon pour artWorks!
A la vue de ce cinéma flambant neuf surgissant de terre à fière allure, paré de son enveloppe aérienne immaculée en résille — véritable robe de mariée, tout en dentelle, pour le prochain projet culturel phare de notre quartier — les cinéphiles de Nice Est se sont léchés les babines.
A ce quartier qui vient de bénéficier d’une mise à niveau sans précédent — la rénovation de la faculté, la percée du tramway, le 109, l’embellissement des rives du Paillon, entre autres, sans oublier les projets immobiliers qui poussent comme des champignons le long des voies du tram… — , il manquait cruellement un cinéma ! Et c’était, pensait-on, chose faite. Aussi, à l’ouverture de Megarama Nice l’automne dernier, en pleines restrictions sanitaires, et — de surcroît — armés du précieux pass vaccinal, nous nous sommes rués vers les portes de ce que nous considérions comme le nouveau temple de cinéma du quartier. Le vaste hall d’entrée est accueillant, les images projetées sur les grands écrans OLED qui tapissent les murs sont alléchantes, le circuit pour rejoindre les salles ergonomiques… et les nouvelles salles ! Grandes, spacieuses, équipées de sièges douillets et disposés tout en gradins avec un legroom à faire rougir de honte les vols long courrier… Bref, des conditions idéales pour découvrir, admirer ou approfondir le septième art qui s’invitaient enfin à notre cadre de vie ! Un rêve.
Or, notre excitation est vite tombée face à la programmation du multiplex. A l’image des restaurants fast-food franchisés qui pullulent à ses abords, la programmation de Megarama Nice n’offre finalement, mercredi après mercredi, qu’un divertissement standardisé, et tout comme ces enseignes-là, des contenus bassement américanisés (tout en insistant que les USA ont bien plus à nous offrir que ses KFC surgras et les infinies déclinaisons de ses héros Marvel).
Pourquoi devrions-nous, encore en 2022, choisir entre deux formules manifestement irréconciliables : d’un côté, salles désuètes et mal climatisées + fauteuils usés + petits écrans + grands films d’auteurs et de l’autre grand écran écran + son immersif + confort optimal + films commerciaux des plus standardisés ?
Où sont donc passés les films d’auteur ? Nous ne parlons pas des films hyper confidentiels comme récemment Ennio (enfin, confidentiel à Nice ! Malgré plusieurs centaines de copies distribué dans l’Hexagone, pour nous, les Niçois, le documentaire sur le maestro italien fut à l’affiche uniquement du Rialto et ce pendant 3 petites semaines. Le voilà cruellement déprogrammé la veille même du jour où votre serviteur se proposait de braver la chaleur caniculaire et de faire le trajet entre Nice Est et la coquette rue de Rivoli, soit deux fois 45 minutes à pied ou 2 tickets de tramway et presque autant de temps… Enfin bref). Donc, nous ne parlons pas de films obscurs ou obscurément confidentiels (on a toujours la Cinémathèque pour cela), mais même les Niçois d’Est (hé oui !) ont envie de voir en VO des films atypiques, audacieux, internationaux qui ne manquent sûrement pas de sortir en cette période post-cannoise qui s’avère très féconde. Je pense à des films récents comme Decision to leave (Corée du Sud), As bestas (France / Espagne), La nuit du 12 (France)… Ces films que l’on dit « du milieu » qui, sans toutefois ambitionner de cartonner en box-office, fédèrent à la fois le public et la critique et livrent une lecture originale du monde, celle de leur auteur.
Quand aura-t-on donc le droit de côtoyer, en dehors du Carré d’or, le meilleur du cinéma contemporain mondial dans des conditions optimales ? Celles-ci sont déjà réunies dans notre quartier. N’était-ce pas cela le plus dur (à moins que nous ignorions tout sur le mécanisme d’un « multiplex » qui serait condamné à programmer les films ayant pour seul atout le plus gros nombre de tirages ! Ce serait incongru…) Pourquoi devrions-nous, encore en 2022, choisir entre deux formules manifestement irréconciliables : d’un côté, salles désuètes et mal climatisées + fauteuils usés + petits écrans + grands films d’auteurs et de l’autre grand écran écran + son immersif + confort optimal + films commerciaux des plus standardisés ?
A quand du cinéma d’auteur à l’affiche de Mégarama Nice pour qu’enfin les cinéphiles du quartier aient envie de l’appeler notre cinéma ?
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